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Sartre face à la phénoménologie
Interview a Vincent de Coorebyter
di Cristina Ficorilli e Andrea Porcella

1) Pourriez-vous expliciter la valeur théorétique et la portée méthodologique de ce que vous nommez dans votre livre Sartre face à la phénoménologie, "Le recours sartrien à l'esprit d'analyse" ou, en d'autres termes, ce que vous appelez "La pratique positiviste sartrienne" .

A travers plusieurs de ses livres majeurs, dont la Critique de la Raison dialectique et L'Idiot de la famille, Sartre est connu comme un philosophe de la totalisation, de la synthèse. Il a par ailleurs souvent critiqué l'esprit d'analyse, sous un angle ontologique, épistémologique et idéologique. Pourtant, l'étude de ses essais de jeunesse confirme ce qu'une approche systématique de son œuvre permettait de deviner : il n'hésite pas à recourir à l'esprit d'analyse ou à ce que j'appelle une " pratique positiviste ". Méthodologiquement, cela lui permet, en de nombreux textes, de disqualifier des visions synthétiques ou des schémas globalisants qu'il estime mal fondés, pour des raisons ontologiques ou politiques : existence " objective " des classes sociales dans un certain marxisme statique, vision holistique de la nation défendue par les antisémites, " inconscient collectif " de Jung, dialectique hégélienne, " conscience collective " des durkheimiens, Mitsein heideggerien, etc. Mais cela le conduit aussi, ontologiquement, à construire les collectifs, les groupes et les totalités sans jamais se les donner pour acquis, donc à rendre compte de leur émergence, de leur institutionnalisation par la force et par les circonstances, et aussi de leur définitive fragilité, ce qu'il appelle la " totalisation détotalisée ". Pour ne parler que d'elle, la puissance d'intelligibilité de la Critique de la Raison dialectique découle de ce qui en fait la folie ou la contradiction pour les critiques paresseux, c'est-à-dire l'ambition de suivre la totalisation en marche de l'Histoire à partir du schème fondateur du besoin individuel, des praxis en droit autonomes - d'où l'abandon du second tome de la Critique à mi-chemin, lorsque (c'est mon hypothèse) Sartre comprend qu'il a pu totaliser le stalinisme, ambition elle-même totalitaire, mais qu'il ne pourra jamais totaliser les démocraties bourgeoises, fondées sur l'atomisation délibérée des individus et l'opacité de collectifs travaillés par la sérialité... Or les essais de jeunesse, et notamment le Carnet Dupuis, brouillon de La Nausée auquel je consacre un chapitre dans Sartre avant la phénoménologie, montrent que ce genre de tensions est originel chez Sartre : il tente dès 1931-1932 des totalisations historiques singulières, mais il en élabore en même temps la déconstruction critique, jouant l'analyse contre la synthsèe et la synthèse contre l'analyse ; il est marqué dès le départ par les tensions indépassables entre la positivité du phénomène isolé et la supériorité heuristique de la totalisation. D'où sa facilité à se convertir à la phénoménologie, dont Husserl, en un célèbre passage des Ideen, avait revendiqué le statut de véritable positivisme : la réduction phénoménologique est entre autres, pour Sartre, une manière de dissoudre des artefacts à vocation synthétique pour nous placer devant la positivité nue des phénomènes.

2) Le sous-titre de votre nouveau livre Sartre avant la phénoménologie fait référence à La Légende de la vérité (ainsi qu'à La nausée). Compte tenu du bref laps de temps qui sépare l'écriture de La Légende de la vérité et le séjour sartrien de 1933-34 à Berlin, quelles sont, selon vous, les lignes essentielles qui marquent ou préfigurent, dans ce texte, l'approche sartrien de la pensée phénoménologique ?

En ce qui concerne également La Légende de la vérité, vous précisez en note dans l'introduction à Sartre face à la phénoménologie, que Sartre dans " La légende de la vérité esquisse aussi une théorie des idéologies " ; pourriez-vous développer quelques éléments à ce sujet. Outre ce qui vient d'être dit, l'ensemble ou presque de la pensée de Sartre avant 1933-1934 le " prépare " à la phénoménologie. Il a été marqué par Descartes et par Bergson, auxquels il associe Husserl dans un trio qu'il estime être animé par la conviction propre " à tous les radicalismes philosophiques : feignons que je ne sache rien " (Situations, I). Il a longuement étudié la psychologie, dont il a vite compris les impasses (grâce à Bergson notamment) quand elle se fait naturaliste, déterministe, analytique, " objectivante "… (ses critiques sur ce point vont au-delà de celles de Husserl, même si elles n'ont pas l'ampleur qu'elles atteindront chez Merleau-Ponty). Dans la Légende de la vérité (1930-1931), dans le Carnet Dupuis mais aussi dans d'autres textes de jeunesse, il esquisse une esthétique générale quasi phénoménologique, en tout cas très attentive au mode spécifique de donation et de création des différents arts (rôle du temps dans la musique, des couleurs dans la peinture, du matériau en sculpture, etc.). Surtout, engagé depuis 1924 dans l'élaboration patiente d'une théorie radicale de la contingence, il retrouve en phénoménologie des outils qui lui paraissent accréditer La nausée, dont il entame la version décisive à Berlin l'année même où il étudie Husserl : " derrière les apparences il n'y a rien ", écrit Roquentin, or les phénomènes révèlent la contingence une fois qu'on a mis toutes leurs interprétations humaines entre parenthèses, une fois qu'ils se donnent " en chair et en os " comme une racine de marronnier dans un jardin public… Ce dernier parallèle conduit enfin à l'essentiel : Sartre était convaincu, jusqu'à la guerre, qu'il était " l'homme seul ", un individu asocial dont l'esprit n'était encombré d'aucun héritage, d'aucun ancrage, d'aucun intérêt personnel et de classe, bref un être désitué comme Roquentin le devient de plus en plus au fil de La Nausée, épreuve vécue et non simplement intellectuelle de la réduction phénoménologique… La Légende de la vérité est l'expression suprême de la théorie de " l'homme seul ", en ce qu'elle procède à une destruction radicale des idéologies, ou plus exactement à leur relativisation par historialisation : sur l'exemple de la science et de l'idée de vérité, mais aussi de la philosophie, la Légende montre que les pensées les plus universelles et les plus normatives sont socialement construites. Ce texte, paradoxalement, fait penser à Bourdieu et constitue pour Sartre, même s'il ne le dit pas, une façon de dépasser à la fois Marx et Nietzsche. La Légende de la vérité illustre brillamment la vision sartrienne des idéologies comme revers implicite de l'affrontement de l'homme avec la matière, comme la dimension de pensée dont le moindre acte est nécessairement porteur et redevable. Dans un univers d'artisan par exemple le platonisme règne : façonner un vase, c'est couler une Idée dans la glaise. Dans un univers de marchands, la vérité doit prendre des formes " durcies ", celles du principe de non-contraduction ou des idées claires et distinctes : il faut que chaque marchandise ait son prix et que ce prix soit fondé sur sa nature ; un vase ne peut pas être à la fois intact et fêlé. Sartre développe ainsi une généalogie de la vérité qui évite le psychologisme et le biologisme de Nietzsche, qui se veut rigoureusement matérialiste, mais qui ne rabat pas l'idéologie sur un " reflet " ou une simple stratégie de pouvoir comme le fait le marxisme : Sartre montre que ces stratégies sont à l'œuvre dans la vie de l'Université française, mais qu'il s'agit d'une version seconde, très partielle, des idéologies dans lesquelles nous baignons et qui sont originellement muettes et définitivement empreintes d'idéalité (la vérité, l'éthique…, dimensions que le marxisme vulgaire réduit à de simples faits sociaux). De plus, la deuxième fragment posthume de la Légende comporte, implicitement, la contestation de la théorie de " l'homme seul " qui sert alors d'assise à Sartre : ce dernier y montre, de manière étonnamment fine, que les couches populaires ne peuvent en aucune façon s'approprier le mode de pensée des puissants, que ceux qui ont affaire au quotidien à la souffrance des corps ne peuvent entrer dans la république soi-disant égalitaire des esprits, ce qui implique que l'intellectuel est socialement situé de manière rigoureuse et que le rêve d'" homme seul ", que Sartre élabore à la fin de la Légende, est un rêve lui-même idéologique…

 

3) Dans quelle mesure la façon singulière de l'appropriation sartrienne du principe de l'intentionnalité permet-elle de conquérir, chez Sartre, un mode d'accès au monde du " concret " ?

La question est très complexe, c'est la raison pour laquelle j'y consacre plus de 100 pages dans Sartre face à la phénoménologie. L'essentiel réside dans le fait que Sartre, au départ, réduit l'intentionnalité à la formule inspirée de Brentano : " toute conscience est conscience de quelque chose " - et en dehors de cela, rien, ajoute Sartre en substance dans son article publié en 1939 (mais écrit en 1934) sur Husserl. Sartre emploie donc l'intentionnalité pour nous replacer directement et exclusivement devant les phénomènes, devant tout ce qui se donne et qu'il prend pour ce qu'il se donne : il faut avant tout, pour lui, respecter ce que les phénomènes nous " disent ", ce qu'il appelle leur sens et qui leur est strictement intrinsèque, propre, " objectif ", contre la prétention husserlienne (ou celle de la philosophie transcendantale en général) à restituer la construction de leur sens à partir d'un sujet rationnel ou pratique. Sartre conteste ainsi toute la tradition idéaliste, mais aussi le psychologisme et le subjectivisme : il ne s'attaque pas seulement aux théories de la connaissance mais aussi aux romanciers, aux moralistes et aux psychologues. Toujours dans l'article sur l'intentionnalité (il évoluera par la suite), l'amour, par exemple, n'est en aucune manière un phénomène explicable à partir du sujet, à la façon de Proust, de Freud ou de La Rochefoucauld. Aimer une femme, c'est simplement être sensible au fait qu'elle est aimable, c'est ressentir profondément son charme et ses qualités au lieu d'en faire la projection d'un choix d'objet inconscient, d'un Passé qui ne passe pas, d'un amour de soi qui ne vise que soi… Du coup, tous les phénomènes reprennent une charge concrète, mais le " sujet " aussi : comme la conscience n'est rien d'autre que sa fuite vers le sens du donné, elle éprouve ce sens dans toute son incarnation vivante, elle est intensément effrayée, érotique, mobilisée… Et ce d'autant plus que les phénomènes en question ne se limitent absolument pas pour Sartre (à l'inverse de ce que Merleau-Ponty semble parfois lui reprocher) au champ soi-disant objectif du naturalisme, à la sphère d'intérêts du sujet pratique ou aux percepts avalisés par la science : le " sens " restauré par Sartre est fluent et inattendu, c'est le " drôle de petit sens " que possèdent les arbres à la fin de la scène du jardin public, c'est " la noirceur secrète du lait ", c'est ce " rouge laineux d'un tapis " qui a tant frappé Merleau-Ponty à la lecture de L'Imaginaire. L'article sur l'intentionnalité restaure ainsi le réalisme contre l'idéalisme, mais il élabore également une phénoménologie des passions et de l'affectivité tout à fait unilatérale, problématique à ce titre, mais qui constitue une instance critique très percutante contre le psychologisme sous toutes ses formes.

 

4) De quelle façon la théorie de la néantisation développée dans L'être et le néant modifie-t-elle la pratique phénoménologique de Sartre par rapport à ses premières œuvres ?

Je ne peux répondre ici que de manière très générale, on commençant par un contraste. Avant les Carnets de la drôle de guerre - car c'est là que naît la théorie de la néantisation, aux alentours de la page 400 -, on pouvait redouter que Sartre se lance dans une psychologie systématique des facultés : la réflexion dans La Transcendance de l'Ego, l'émotion dans l'Esquisse, l'imagination dans deux de ses premiers livres…, comme une fuite en avant dans le cloisonnement de l'éidétique (seule l'Introduction de l'Esquisse fait exception, mais c'est un texte qui doit beaucoup à Heidegger). Cette psychologie phénoménologique était en outre fondée sur quelques principes que Sartre ne reniera jamais, mais qui constituaient le socle quasi immobile de sa première période phénoménologique : cogito, intentionnalité, primat de l'irréfléchi, spontanéité…, le tout dans une inattention à peu près complète aux horizons du passé et du futur, au social, au collectif, à l'historicité (de ce point de vue, sa première phénoménologie est en retard sur la Légende de la vérité). Enfin, Sartre s'enferrait dans un thème obsessionnel mal maîtrisé, la liberté : il montrait que la conscience était forcément libre si elle était pure (Transcendance de l'Ego), forcément libre si elle était émotive (Esquisse), forcément libre si elle était imaginative (Imaginaire)… La théorie de la néantisation a bouleversé sa pratique phénoménologique en livrant la clé à laquelle suspendre l'ensemble de sa phénoménologie, de manière très étroitement intégrée (le néant est en ce sens une notion à la fois unique et multifonctionnelle), et cette fois résolument transcendantale et ontologique. La rupture la plus visible entre les Carnets et les œuvres qui précèdent réside dans le fait que Sartre peut, à partir du néant, déployer des conditions de possibilité qui rendent compte de la connaissance, du temps, du manque, de l'action, etc., et qui renvoient toujours, ultimement, à la différenciation ontologique des deux grandes régions d'être, l'en-soi et le pour-soi, la seconde naissant par néantisation de la première… En outre, la néantisation étant pensée comme la conséquence ou la retombée de la tentative de l'en-soi pour se fonder, pour dépasser sa contingence, elle réintroduit une dimension métaphysique dans la pensée de Sartre, alors que sa phénoménologie l'avait négligée jusque-là. Sartre peut ainsi repenser la contingence et la retraduire, pour ce qui concerne le pour-soi, en facticité, les deux concepts étant très différents comme je l'ai montré dans Sartre avant la phénoménologie. La facticité c'est la contingence du pour-soi telle que la vit un pour-soi, c'est-à-dire en l'assumant, en la " dépassant ", en prenant position par rapport à elle (pour s'en scandaliser, se la dissimuler, la compenser…) ; alors que (comme au jardin public) la contingence se voit, la facticité se vit.

 

 

Traduzione italiana:

a cura di Cristina Ficorilli e Salvatore Patriarca

 

1) Potrebbe spiegare il valore teoretico e la portata metodologica di quello che Lei, nel suo libro Sartre face à la phénoménologie, chiama "Il ricorso sartriano allo spirito d'analisi", o, in altri termini, quello che chiama "la pratica positivista sartriana" ?

Molte, tra le sue maggiori pubblicazioni, in particolar modo la Critique de la Raison dialectique e L'idiot de la famille, definiscono Sartre un filosofo della totalizzazione e della sintesi. Del resto Sartre ha criticato, a più riprese, l'"esprit d'analyse" da un punto di vista ontologico, epistemologico e ideologico. Pertanto, lo studio suoi saggi giovanili può confermare ciò che un approccio sistematico alla sua opera permetterebbe di intuire: Sartre non esita a ricorrere ad un "esprit d'analyse" o a ciò che io chiamo "pratique positiviste". Metodologicamente, ciò gli consente, come appare in numerosi testi, di dequalificare quelle"visioni sintetiche" o quegli"schemi globalizzanti, che egli ritiene, ontologicamente o per ragioni politiche, mal fondate: esistenza "oggettiva" delle classi sociali in un certo marxismo statico, visione olistica della nazione difesa dagli antisemiti, inconscio collettivo di Jung, dialettica hegeliana, coscienza collettiva dei durkheimiani, Mitsein heideggeriano, etc. Tale approccio conduce allo stesso tempo il filosofo a "costruire "gruppi", "collettivi", "totalità" senza mai darli per acquisiti, vale a dire, rendendo conto della loro emergenza e istituzionalizzazione attraverso la forza e le circostanze, o della loro definitiva fragilità, che egli chiama "totalisation détoltalisèe". Il potenziale dell'intelligibilità della Critique de la Raison dialectique, limitando il discorso a tale ambito, scaturisce da ciò che per delle critiche "pigre"è follia o contraddizione, vale a dire, dall'ambizione di seguire il cammino della totalizzazione della storia a partire dallo schema fondatore del bisogno individuale, dalle praxis autonome di diritto - da cui deriva l'interruzione à metà del cammino del II volume della Critique de la Raison dialectique - quando ( questa è la mia ipotesi) Sartre comprende di aver potuto totalizzare lo stalinismo, ambizione essa stessa totalitaria, ma di non poter totalizzare le democrazie borghesi, fondate sulla deliberata atomizzazione degli invidi, e l'opacità dei collettivi alterati e agiti dalla serialità…Ora gli scritti giovanili ed in particolar modo il Carnet Dupuis , la "minuta" della Nausée, al quale io dedicherò un capitolo in Sartre avant la phénoménologie", mostrano que questo genere di tensione è "originale" in Sartre: egli esperimenta dal 1931-32 delle totalizzazioni storiche singolari, elaborandone al contempo una loro decostruzione critica, apponendo l'analisi contro la sintesi e la sintesi contro l'analisi; il cammino filosofico sartriano è caratterizzato sin dall'inizio da queste tensioni insuperabili tra la positività del fenomeno isolato e la superiorità euristica della totalizzazione, da cui deriva tra l'altro la sua "disposizione" a convertirsi alla fenomenologia, cui Husserl, in un celebre passo delle Ideen , rivendica lo statuto di autentico positivismo: la riduzione fenomenologica rappresenta per Sartre, tra le altre cose, una modalità atta a dissolvere tutti gli artifici di vocazione sintetica al fine di porci di fronte la positività nuda dei fenomeni.

 

2)Il sottotitolo del vostro ultimo libro Sartre avant la phénoménologie fa riferimento a La leggenda della verità (come anche a La nausea).Tenuto conto del breve tratto di tempo che separa la redazione deLa leggenda della verità e il soggiorno sartriano del 1933-34 a Berlino, quali sono, secondo Lei, le linee essenziali che mostrano o prefigurano in questo testo l'approccio sartriano al pensiero fenomenologico ? Per quanto riguarda La leggenda della verità Lei precisa in nota nell'introduzione di Sartre face à la phénoménologie, che Sartre nella Leggenda della verità"esprime anche una teoria delle ideologie", potrebbe di qualcosa in merito?

Tenendo conto di quanto affermato in risposta alla I domanda, tutto l'insieme o quasi del pensiero sartriano antecedente gli anni 1933 e 1934, "prepara" l'adesione di Sartre alla fenomenologia. Associa Husserl a Descartes e a Bergson -dai quali fu influenzato- costituendone un trio che egli ritiene esser animato,dal principio comune a "tous les radicalismes philosophiques: feignons que je ne sache rien" (Situation I). Si è dedicato a lungo agli studi di psicologia, di cui percepisce sin dai primi approcci, le "impasses" in cui essa incorre (grazie soprattutto a Bergson) quando si vuole naturalistica, determinista, analitica e "oggettivante"(la critica sartriana che Sartre a tal proposito sviluppa supera di gran lunga quella husserliana, pur non assumendo l'ampiezza che Merleau Ponty le conferirà). Nella Legende de la Vérité (1930-1931), nel Carnet Depuis, ma anche in altre opere giovanili, Sartre elabora un tentativo di disegnare un'estetica generale ,quasi di carattere fenomenologico; essa resta in ogni caso un contributo attento alla delineazione minuziosa del modo di datiti e creazione specifiche delle differenti arti (ruolo del tempo nella musica, dei colori nella pittura, del materiale in scultura, etc). Impegnato, dopo il 1924, all'elaborazione paziente di una teoria radicale della contingenza, rintraccia nella fenomenologia gli strumenti che gli apparivano poter accreditare laNausée, (la versione decisiva della Nausée sarà redatta nello stesso anno in cui Sartre studia Husserl.,durante il suo soggiorno a Berlino). "Derrière les apparences il n'y a rien, scrive Roquentin ; i fenomeni " rivelano " la contingenza, una volta che ogni interpretazione umana a riguardo è stata posta tra parentesi, una volta che essi si donano in carne ed ossa… così come si dona unaracine de marronnier in un giardino pubblico Quest'ultimo parallelismo ci conduce infine all'essenziale: Sartre resta persuaso di essere, fino alla guerra, "l'uomo solo", un individuo asociale sgombro sin nello spirito da qualsiasi forma di eredità, d'ancoraggio o interesse personale e di classe: in breve crede di essere un essere desituato cosi come lo diverrà progressivamente Roquentin nel corso della Nausée,che rappresenta, fuor di metafora, una prova vissuta e non semplicemente intellettuale della riduzione fenomenologica…

La Legende de la vérité rappresenta l'espressione suprema de la teoria dell' "uomo solo", procedendo ad una distruzione radicale delle ideologie, o più esattamente alla loro relativizzazione attraverso storializzazione: sull'esempio della scienza e dell'idea di verità, ma anche della filosofia, la Legende de la vérité mostra che i pensieri, anche i più universali e i più normativi sono socialmente "costruiti". Paradossalmente questo testo fa pensare à Bourdieu e costituisce per Sartre, anche se non è detto esplicitamente, una delle vie che conducono al superamento, in una sola volta, di Marx e di Nietzsche. La Legende de la vérité illustra brillantemente la concezione sartriana delle ideologie come rovescio implicito del fronteggiarsi dell'uomo con la materia, come la dimensione di pensiero il cui minimo atto è latore e debitore. Nell'universo dell'artigiano, per esempio, il platonismo regna: foggiare un vaso, è colorare un'Idea nell'argilla. Nell'universo del mercante la verità deve prendere la forma "indurita" del principio di non-contraddizione o delle idee chiare e distinte: è necessario che ogni merce abbia il suo prezzo e che tale prezzo sia fondato sulla natura della merce; un vaso non può essere contemporaneamente intatto e incrinato. Sartre sviluppa, così, una "genealogia della verità" che se da un lato si sottrae allo psicologismo e al biologismo di Nietzsche, dall'altro lato manifesta la sua adesione ad un rigoroso materialismo, senza per altro ridurre o far scadere l'ideologia a "riflesso" o a semplice strategia di potere, così come fa il marxismo: Sartre fa vedere come tali strategie siano all'opera nella vita dell'Università francese, presentandole al contempo come forma e versione secondaria, particolare delle ideologie nelle quali noi siamo immersi, originariamente mute e irrevocabilmente intrise d'idealità (la verità, l'etica…, dimensioni queste che il marxismo volgare riduce a semplici fatti sociali). Inoltre, il secondo frammento pubblicato postumo della Légende de la vérité comporta implicitamente la contestazione della teoria dell'"uomo solo"di cui Sartre si serve per mostrare, con finezza straordinaria, come gli strati popolari non possano in alcun modo assimilare ed appropriarsi del modo di pensare dei potenti, in quanto per coloro che quotidianamente hanno commercio con la sofferenza dei corpi, ogni possibilità di accesso alla repubblica cosiddetta dell'uguaglianza degli spiriti, rimane sbarrata Da ciò deriva che l'intellettuale resta una figura rigorosamente "situata" e che il sogno dell'"uomo solo", elaborato da Sartre alla fine della Légende de la vérité, è, in realtà, esso stesso un sogno ideologico.

 

3) In quale misura la singolare appropriazione sartriana del principio dell'intenzionalità permette di conquistare, secondo Sartre, un modo d'accesso al mondo del "concreto"?

La questione è molto complessa, ed è per tale ragione che io, in Face à la phénoménologie, dedico più di cento pagine alla sua trattazione. L'essenziale risiede nel fatto che Sartre, all'inizio, riduce l'intenzionalità alla formula ispirata da Brentano: "ogni coscienza è coscienza di qualche cosa"- e al di là di questo, niente, aggiunge Sartre nel suo articolo su Husserl pubblicato nel 1939 (ma scritto nel 1934). Sartre utilizza l'intenzionalità, dunque, per "gettarci" direttamente ed esclusivamente di fronte ai fenomeni, di fronte a tutto ciò che si dona considerato semplicemente nel suo in quanto si dona: è necessario innanzitutto, per Sartre, rispettare ciò che i fenomeni ci "dicono", vale a dire il loro "senso", come ciò che intrinsecamente è loro proprio, "oggettivo", contro la pretesa husserliana ( o della filosofia trascendentale in genere) di restituire la costituzione del loro senso a partire da un soggetto razionale o pratico. Sartre contesta tutta la tradizione idealista, lo psicologismo e il soggettivismo; la sua critica non è rivolta esclusivamente alle "teorie della conoscenza", ma si estende anche nei confronti dei romanzieri, moralisti e psicologi. Sempre nell'articolo sull'intenzionalità ( in seguito si riscontreranno delle evoluzioni in merito), l'amore, ad esempio, non è in alcun modo un fenomeno esplicabile a partire dal "soggetto", alla maniera di Proust, di Freud e de La Rochefoucauld: amare una donna significa semplicemente essere sensibili al fatto che ella è amabile, è sentire profondamente il suo charme e le sue qualità, invece di farne, al contrario, la proiezione di una scelta di un oggetto inconsci, di un Passato che non passa, di un amore di sé che miri esclusivamente a sé…. Di colpo, tutti i fenomeni assumono nuovamente una carica di concretezza, ed anche il soggetto: dal momento che la coscienza non è nient'altro che la sua fuga verso il senso del dato, essa esperisce questo senso in ogni sua incarnazione vivente, essa è intensamente spaventata, erotica, mobilizzata…. E ciò ancor più per il fatto che i fenomeni in questione non si limitano affatto per Sartre (a differenza di quello che Merleau-Ponty sembra a volte rimproveragli) al cosiddetto ambito oggettivo del naturalismo, alla sfera d'interessi del soggetto pratico o alle percezioni riconosciute dalla scienza: il "senso" restaurato da Sartre è fluente e inatteso, è la "curiosità di un senso piccolo" che assumono gli alberi a conclusione di una scena al giardino pubblico, è "la nerezza segreta del latte", è questo "rosso lanuginoso di un tappeto" che ha tanto colpito Merleau-Ponty nella lettura de L'immaginario. L'articolo sull'intenzionalità restaura così il realismo contro l'idealismo, esso elabora però, allo stesso tempo, una fenomenologia delle passioni e dell'affettività niente affatto unilaterale, problematica da quest'ottica, ma che costituisce un'istanza critica di grande impatto nei confronti dello psicologismo, in tutte le sue forme.

 

4) In quale modo la teoria della nientificazione sviluppata nell'Essere e il nulla modifica l'approccio fenomenologico sartriano rispetto alle sue prime opere ?

Non posso rispondere in questo contesto che in maniera generale, cominciando attraverso una contrapposizione. Prima dei Taccuini - poiché è qui che nasce la teoria della nientificazione, intorno alla pagina 400 - era dubbio il fatto che Sartre si lanciasse in una sistematica psicologia delle facoltà: la riflessione nella Trascendenza dell'Ego, l'emozione nello Esquisse, l'immaginazione nei suoi due primi libri…, come una sorta di fuga in avanti nella partizione dell'eidetica (solo l'introduzione dello Esquisse fa eccezione, ma si tratta di un testo che deve molto a Heidegger). Questa psicologia fenomenologia è fondata inoltre su alcuni principi che Sartre non rinnegherà mai e che costituiscono il basamento quasi immodificato del suo primo periodo fenomenologico: cogito, intenzionalità, primato dell'irriflesso, spontaneità…, il tutto all'interno di un'assenza d'atenzione, pressoché completa, agli orizzonti del passato e del futuro, al sociale, al collettivo, alla storicità (da questo punto di vista, la sua prima fenomenologia è in ritardo rispetto alla Leggenda della verità). Infine, Sarte arriva a confrontarsi con un tema ossessivamente trattato e mal dominato, la libertà: egli mostra come la coscienza sia forzamene libera se pura (Trascendenza dell'Ego), forzatamente libera se emotiva, forzatamente libera se immaginativa. La teoria della nientificazione ha sconvolto la sua pratica fenomenologia offrendo la chiave, grazia alla quale sospendere l'insieme della sua fenomenologia in maniera strutturalmente integrata (il niente è in questo senso una nozione, insieme, unica e multifunzionale), e questa volta in maniera risolutamente trascendentale e ontologica. La rottura più evidente tra i Taccuini e le opere che li precedono risiede nel fatto che Sartre può, a partire dal niente, dispiegare le condizione di possibilità che permettono la conoscenza, il tempo, la mancanza, l'azione, etc., e che rinviano sempre, in ultima istanza, alla differenziazione ontologica delle due grandi regioni dell'essere, l'in-sé e il per-sé, dove la seconda nasce dalla nientificazione della prima. Inoltre, la nientificazione, essendo pensata come la conseguenza o la ricaduta del tentativo dell'in-sé per fondersi, per superare la sua contingenza, reintroduce una dimensione metafisica nel pensiero di Sartre, allorché la sua fenomenologia aveva trascurato tale dimensione fino a questo punto. Sartre può così ripensare la contingenza e ritradurla, per quel che concerne il per-sé, nella fattività, pur essendo i due concetto molto diversi, come ho mostrano nel mio Sartre avant la phénoménologie. La fattività è la contingenza del per-sé, così come la vive un per-sé, vale a dire assumendola, "superandola", prendendo posizione in rapporto ad essa (per scandalizzarsene, dissimularla, compensarla), mentre invece (come al giardino pubblico) la contingenza si vede, la fattività si vive.


PUBBLICATO IL : 15-04-2005
@ SCRIVI A Cristina Ficorilli e Andrea Porcella
 

 
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